Hydrophile ou hydrophobe ?

Certaines fibres « n’aiment pas » l’eau et la repousse, si bien que l’eau prend la forme de sphères presque parfaites à leur surface. Cette capacité à repousser l’eau est un atout pour résister à la pluie et l’évacuer rapidement. En revanche, c’est un véritable inconvénient pour mélanger ces fibres à un liant lors de la fabrication de matériaux.

 

 

Au bord des rivières, pousse le roseau à massette, nom commun du Typha. Sa fleur en forme de quenouille brune et veloutée, libère ses graines à l’automne dans une explosion cotonneuse. Les très fines fibres ordonnées et resserrées dans la massette, se séparent brusquement et volent au vent comme un pissenlit fané, pour semer leur graine un peu plus loin. Ce « coton de roseau », très aéré et volatil, ne se mouille pas au contact de l’eau. Mais comment ont donc fait les bâtisseurs d’Afghanistan qui le mélange à l’eau et la terre pour leurs enduits ?

La forme des gouttes

L’eau « n’aime pas » l’air, ni les corps gras. L’eau les repousse et tente de minimiser sa surface de contact : sur une surface hydrophobe, la surface de l’eau prend la forme d’une sphère. Tout comme la goutte de pluie qui est une boule presque parfaite, la goutte d’eau déposée sur un pétale de fleur hydrophobe ou sur du coton brut prend la forme d’une perle sphérique. En revanche, sur une surface hydrophile comme le verre, la goutte s’étale, mouille la surface et prend la forme d’une galette. Cette forme aplatie est le signe d’une bonne affinité entre la surface minérale et l’eau, c’est-à-dire d’interactions attractives.

 

Sur un pétale de fleur, la goutte d’eau prend la forme d’une sphère. Elle cherche à minimiser sa zone de contact avec ces matières qu’elle ne parvient pas à mouiller. Le pétale de fleur comme le coton brut sont hydrophobes – crédit : Romain Anger / CRAterre-AE&CC-ENSAG

 

Sur une plaque de verre, les gouttes d’eau adoptent une forme plate : le verre est hydrophile. L’eau a une bonne affinité avec cette surface minérale qu’elle parvient à mouiller sans effort – crédit : Romain Anger / CRAterre-AE&CC-ENSAG

 

Absorber de l’eau

Les fibres végétales très hydrophiles sont capables d’absorber de l’eau et d’en retenir de grandes quantités. Ces fibres ont non seulement une surface mouillante, autrement dit qui a une bonne affinité avec l’eau, mais également un réseau poreux où l’eau peut s’immiscer. C’est le cas du coton blanc de pharmacie : un entrelacs de fibres de cellulose qui peut absorber de l’eau plus de 20 fois son propre poids. Pour devenir hydrophile, le coton brut initialement hydrophobe, a subi un traitement chimique de blanchiment qui, en le débarrassant de ces cires et d’autres composés comme les pectines, a légèrement modifié la surface des fibres. Le bain de soude bouillant dans lequel est plongé le coton brut attaque chimiquement la surface des fibres : en éliminant les cires et les pectines, des liaisons chimiques sont rompues. Ces liaisons tronquées attirent les molécules d’eau. L’eau a davantage d’affinité avec les fibres après ce traitement chimique. C’est essentiellement pour cette raison que le coton devient très hydrophile. Parallèlement à cette modification chimique, la rugosité de la surface de la fibre est amoindrie : l’eau peut davantage mouiller la fibre.

Les remontées capillaires

Les matières végétales sont poreuses. La plupart sont constituées d’une multitude de canaux parallèles dont le diamètre varie de quelques microns à plusieurs millimètres. Ces tubes creux permettaient d’acheminaient l’eau et les nutriments des racines aux feuilles avant que la plante ne soit récoltée. A l’intérieur d’un tube creux l’eau monte par capillarité : la paroi du tube est hydrophile, elle attire l’eau. L’attraction de la paroi courbe la surface de l’eau : les bords sont plus haut que le centre. Cette courbure crée une pression que l’eau cherche à diminuer : pour diminuer la courbure de sa surface l’eau monte dans le tube. Mais cette ascension n’est pas infinie. L’eau qui remonte dans un tube est soumise à deux forces : la force capillaire qui l’attire vers le haut et son propre poids qui, subissant la gravité, l’attire vers le bas. Lorsque ces deux forces s’équilibrent, l’ascension capillaire est stoppée. Plus un tube est fin, plus la surface de contact entre la paroi intérieure et l’eau est grande par rapport au volume d’eau qu’il peut contenir. Les forces capillaires s’exercent plus fortement : l’eau remonte davantage.