Témoignage // La conception en fibres végétales avec Benoît Rougelot

Dans le cadre de la production du MOOC Construire en fibres végétales, Benoît Rougelot architecte fondateur de l’agence Landfabrik et co-président du RFCP lors du tournage, apporte son témoignage apporte son témoignage sur la question de l’influence de l’utilisation des fibres végétales sur la pratique de l’architecte. Porteur du MOOC, l’équipe amàco lui a posé trois questions.

 

 

 

 

Quels changements induit l’introduction des fibres végétales dans l’acte de construire ?

B.R : L’utilisation de tous ces matériaux biosourcés et géosourcés, c’est une question de réappropriation de l’acte de construire en comprenant mieux ce qu’il y a à l’intérieur de nos murs et comment ça réagit en termes de bioclimatique, d’hygrothermie, d’hygroscopie, de gestion de la vapeur d’eau et en comprenant mieux nos bâtiments, y compris les maîtrises d’ouvrage. Quand elles comprennent ce qu’on est en train de faire avec elles, elles auront une meilleure compréhension du bâtiment quand il sera livré, et de son entretien. On a des discussions passionnantes qui embarquent la maîtrise d’ouvrage qui, au départ, n’était pas forcément sachante ou motrice pour ces sujets-là, mais elle s’embarque dans cette aventure.

 

Qu’en est-il de la fin de vie du bâtiment ?

B.R : Concernant la fin de vie d’un bâtiment, quand on utilise des bottes de paille qui, je le rappelle, sont issues directement de la botteleuse sur le champ et mises en œuvre dans une ossature bois, on a constaté que sur la maison Feuillette qui a 102 ans, les bottes de paille qui ont 102 ans sont exactement les mêmes que la botte de paille qui sort cette année de la moisson. On peut aisément comprendre qu’il suffit de l’enlever de l’ossature pour la recycler directement sans retraitement sur un autre chantier au bout de 102 ans. S’il s’avérait qu’il fallait déconstruire aujourd’hui un bâtiment, je ne crois pas qu’on en ait encore déconstruit, le même processus peut être mis en œuvre pour la recycler immédiatement, sans retraitement. Au pire des cas, si elle n’est plus en très bon état ou les enduits terre au moment de les enlever ont détruit la botte de paille, la botte de paille est compostable, c’est-à-dire qu’elle peut retourner sur le champ. Elle retourne dans son cycle naturel. Au RFCP, quand on a fait les fiches déclaratives environnementales et sanitaires pour répondre à la question de la nouvelle norme RE2020, il faut des analyses de cycle de vie des bâtiments, on a pris le scénario du pire. C’est-à-dire qu’au bout de 50 ans, on démonte le bâtiment et on brûle la botte de paille, ce qui dégrade notre note en termes d’analyse de cycle de vie, mais on est toujours négatif puisque le stockage initial du carbone dans la pousse du blé et le peu de transformation qu’il y a ensuite pour la mettre en œuvre dans des bâtiments font qu’on stocke du carbone en utilisant de la botte de paille dans la construction.

Ce qui est intéressant avec la botte de paille en cours de chantier, c’est qu’on minimise énormément les déchets de chantier comparativement à d’autres isolants qui arrivent emballés dans du plastique et autres emballages. Là, on a des bottes de paille brutes de brutes qu’on peut directement mettre dans le mur. Le pire déchet, ce sont des brins de paille sur le chantier qu’on peut facilement nettoyer avec un balai.

 

L’usage des matériaux bio-géo-sourcés influence t-il les phases du projet ?

B.R : L’utilisation des matériaux biosourcés et géosourcés influence dès la conception. Il faut le prendre en compte en conception. On ne transforme pas un projet en cours de conception en disant : “Finalement, je vais basculer sur du bio et du géosourcé.” C’est ça, l’intérêt. Dès le début, on conçoit l’espace avec les matériaux. Ça nécessite de prendre en compte la spécificité de ces matériaux. Forcément, ça a une influence sur la conception. C’est assez intéressant d’aller dans le détail du système constructif, des détails techniques de terre crue, de paille et de systèmes constructifs paille, comment un enduit vient se mettre sur une botte de paille, comment on insère l’électricité dedans. Il faut y avoir pensé dès le début.

Ce qui m’intéresse dans la question de l’utilisation de ces matériaux naturels, c’est que ça change les ambiances de chantier. On a des artisans soucieux de leur travail. L’ambiance de chantier est souvent bien meilleure. Les relations entre entreprises et architectes, on sait que ça peut être conflictuel sur un chantier. Il y a un peu plus de douceur et de compréhension parce qu’on connaît mieux le matériau chacun de son côté. On a plus l’occasion d’avoir des discussions techniques sur ce qu’on fait ensemble. On voit qu’il y a une vraie mise en valeur du travail artisan. Quand on voit la finition d’un enduit terre, ça émerveille même tous les autres corps de métier qui interviennent sur le chantier.