Matières animées

 

Conférence donnée par organisée Romain Anger, directeur scientifique d’amàco pour les étudiants de Master de l’École Spéciale d’Architecture de Paris le 1er avril 2019 dans le cadre d’une journée conférence/débat sur le thème « Projet Sol et Matière ».

Comment révéler la beauté des choses qui nous entourent ? Comment lever le voile qui recouvre le réel pour percevoir et éprouver, au-delà de la « morne muraille » des apparences premières, le « cœur caché des choses » ? Pourquoi une telle révélation contient-elle les germes d’une « écologie politique des choses » ? Qu’avons-nous encore à apprendre d’une goutte d’eau, d’une boue d’argile, d’un tas de sable, d’une feuille de papier, d’un brin d’herbe, d’une tranche de bois ou d’une simple pomme de pin ? « Un tas de gravats déversés au hasard : le plus bel ordre du monde » disait Héraclite. Ces quelques mots semblent déjà fissurer le voile et nous découvrons, là où nous l’attendions le moins, une profondeur et une charge symbolique insoupçonnées : celles des matières ordinaires.
Tout se passe comme si des strates de significations nouvelles s’ouvraient devant nous. Ces matières ordinaires, injustement qualifiées d’inertes, nous invitent à reconsidérer le déconsidéré. Chacune à leur manière, elles s’expriment avec un langage qui leur est propre. Elles n’utilisent pas de mots. Elles utilisent le langage du corps, des sens et des émotions. Elles nous touchent, elles captent notre attention et ce faisant, elles nourrissent nos intuitions et notre créativité. Elles possèdent ce que Bruno Latour appelle une « puissance d’agir ».