La vase, spectacle autour d’une matière déconsidérée
La vase, spectacle autour d’une matière déconsidérée
Après s’être longtemps confronté à la dureté du fer ou du minéral, le duo Bordat-Meunier aborde cette fois au rivage de la matière molle : la vase. Avec l’équipe de La Belle Meunière, ils cèdent à l’attraction de l’instable, de la traîtresse et avaleuse présence du marécage sous eux. Ils plongent dans l’informe, poursuivant l’invention d’un théâtre où se rejoue chaque soir l’expérience de la découverte passionnée et joueuse de ce qui relie l’homme à la matière la plus déconsidérée.
Conviés à partager les recherches de ces explorateurs en eau trouble — dont certaines ont été menées avec des chercheurs d’amàco et des Grands Ateliers de Villefontaine — et menacés à notre tour par la puissance dévorante de la vase, nous jouissons et rêvons de la perte d’appui, du vacillement des fondations, de la noyade des certitudes acquises. Tandis que jaillit sous nos yeux la viscosité triomphante, nous glissons avec bonheur dans ce monde aux digues rompues où l’humour accompagne souvent un questionnement profond et stimulant.
Le travail de la compagnie la Belle Meunière se fonde sur la relation que nous entretenons sous diverses formes avec la matière. En juillet et en octobre 2016, Marguerite Bordat et Pierre Meunier ont posé leurs valises aux Grands Ateliers pour travailler avec les chercheurs d’amàco. Après avoir créé avec la roche et le métal pour de précédentes pièces de théâtre, leur objectif était de créer et expérimenter une matière molle : la fameuse vase.
Ce matériau longtemps déconsidéré devient ainsi l’objet de toutes leurs attentions : immersions dans des bassins remplis de base, essais avec du matériel pédagogique ou scientifique, mises au point de protocoles expérimentaux en lien avec la recherche… Tout y passe ou presque.
“On s’est immergé aussi avec eux [les chercheurs]. On a fait des projections et eu des échanges nourrissants et très inspirants avec eux pour l’écriture”, souligne Pierre Meunier.
Pierre Meunier, metteur en scène et comédien, et Marguerite Bordat, metteuse en scène, développent ainsi un certain attrait pour l’informe afin d’élaborer des pistes passionnantes et inattendues qui forment le spectacle « La Vase ».
La Vase se présente comme une expérience jouissive et complètement immersive. Tout au long du spectacle, une équipe de cinq personnes se livre à des travaux d’observations et d’expériences liées à la matière molle, la vase ou la boue qui vont de l’expérience filmée et projetée en vidéo à l’évènement à peine contrôlable. La matière devient ainsi le « théâtre » de questionnements, d’émerveillements et même de l’imaginaire allant jusqu’à donner forme aux symboles les plus sombres ou les plus anciens de notre société : les croyances fantasmagoriques, les religions, les idéologies politiques, les rapports humains…
Avec près de 2 tonnes d’argile et d’eau, il faut le dire simplement : ça déborde, ça éclabousse jusqu’à saturation de l’espace,
« La vase n’est qu’un appétit. Un appétit sans limites.Tout lui est bon. La vase est omnivore. Les nuages ne s’attardent pas au-dessus de la vase. Ils craignent d’expérience sa fatale aspiration. »note Pierre Meunier.
Lors de ses représentations à Grenoble (Meylan), amàco propose, en partenariat avec le Théâtre Scène Nationale de l’Hexagone, un atelier découverte sensorielle de la matière « S’émerveiller et toucher la matière », gratuit pour toute personne ayant un billet pour le spectacle. Un atelier également réalisé pour des groupes scolaires et les habitants de Meylan.