Le feuillet d’argile
Le feuillet d’argile
La majorité des argiles se présentent sous la forme de plaquettes. En les observant sur la tranche avec un microscope puissant, des feuilles parallèles apparaissent, à l’image d’un livre microscopique dont les pages seraient collées. Le feuillet est la brique élémentaire commune à toutes les argiles. Pour cette raison, les argiles font partie de la famille minéralogique des phyllosilicates (du grec phullon qui signifie « feuille »). L’épaisseur de ces feuillets est fascinante : ils sont constitués de trois ou quatre plans d’atomes d’oxygène seulement, entre lesquels viennent se placer des atomes plus petits, généralement de silicium et d’aluminium.
Le nombre de feuillets empilés dans une plaquette d’argile varie fortement, évoquant tantôt un journal de quelques pages, tantôt
un livre qui en aurait plus de mille. De même, les dimensions latérales des plaquettes sont largement différentes : si les plus grandes particules étaient de la taille de ce livre, les plus petites feraient moins d’un millimètre de long et de large ! Cette simple variation de taille est synonyme de propriétés très diverses.
Les argiles ne se présentent pas toujours sous la forme de plaquettes. L’image ci-dessous montre plutôt un réseau de membranes interconnectées (a) et (b), un peu comme un nid d’abeille dont les alvéoles seraient irrégulières. Dans ce cas, l’analogie avec les grains n’a plus de sens. Pourtant, à une échelle inférieure, une structure feuilletée apparaît à nouveau (c). Les feuillets sont souples et peuvent se courber, se dissocier pour se réassembler comme des paquets de feuilles désordonnés, alors que dans une plaquette, ils sont solidement liés les uns aux autres, parallèles et inséparables, formant un cristal rigide.
D’autres argiles, beaucoup plus rares, sont fibreuses : elles ressemblent à des cheveux microscopiques (ci-dessous, (a)). Une vue en coupe de ces fibres (b) met à nouveau en évidence une structure feuilletée : les feuillets sont cette fois enroulés sur eux-mêmes comme des rouleaux de papier, pour former des fibres !
Certaines argiles enfin se présentent sous la forme de tubes cylindriques (ci-dessous) : le feuillet est soit enroulé, soit fermé sur luimême. Ces argiles ont des propriétés analogues aux nanotubes de carbone et sont utilisées dans de nombreuses applications à très fortes valeurs ajoutées. Elles sont par exemple à la base de peintures qui arrêtent les ondes électromagnétiques des téléphones portables dans les salles de spectacle et de cinéma. La grande diversité des argiles provient ainsi des différences dans l’arrangement des feuillets qui les constituent. La moitié des atomes d’un feuillet se trouvant en surface, les propriétés de la matière ne sont dès lors plus régies par ses caractéristiques internes, mais par ses propriétés de surface.
image de couverture : © Hydrasa UMR CNRS 6532