Le feuillet d’argile

S’il existe plusieurs familles d’argiles aux propriétés très différentes, elles possèdent toutes une caractéristique commune : être constituées de feuillets microscopiques dont l’épaisseur n’excède pas quelques atomes. Ces feuillets s’assemblent dans l’espace de différentes façons. À l’échelle microscopique, les argiles présentent de fait une diversité de formes et de structures, qui à l’échelle du bâtisseur correspondent à une pluralité d’états de la matière. Le mot argile désigne ainsi un micromonde minéral aussi vaste que varié.

 

 

La majorité des argiles se présentent sous la forme de plaquettes. En les observant sur la tranche avec un microscope puissant, des feuilles parallèles apparaissent, à l’image d’un livre microscopique dont les pages seraient collées. Le feuillet est la brique élémentaire commune à toutes les argiles. Pour cette raison, les argiles font partie de la famille minéralogique des phyllosilicates (du grec phullon qui signifie « feuille »). L’épaisseur de ces feuillets est fascinante : ils sont constitués de trois ou quatre plans d’atomes d’oxygène seulement, entre lesquels viennent se placer des atomes plus petits, généralement de silicium et d’aluminium.

Le nombre de feuillets empilés dans une plaquette d’argile varie fortement, évoquant tantôt un journal de quelques pages, tantôt
un livre qui en aurait plus de mille. De même, les dimensions latérales des plaquettes sont largement différentes : si les plus grandes particules étaient de la taille de ce livre, les plus petites feraient moins d’un millimètre de long et de large ! Cette simple variation de taille est synonyme de propriétés très diverses.

 

plaquettes d'argiles aux formes différentes - amàco
Les plaquettes d’argile ont des épaisseurs et des dimensions latérales très variables. Leurs formes peuvent être plus ou moins régulières. ©Nicole Liewig/Université de Strasbourg/DR

 

focus sur une plaquette d'argile - amàco
(a) Argiles se présentant sous la forme de plaquettes hexagonales relativement épaisses. Elles mesurent environ 1 micromètre de côté pour 150 nanomètres d’épaisseur. (b) Zoom sur la tranche : des feuillets parallèles sont clairement visibles. © Courtesy of M. Roe/Macaulay Institute Collection / The Clay Minerals Society, Twickenham. U.K (2).  (c) Zoom sur deux feuillets : la structure atomique apparaît ! © Toshihiro Kogure/Department of Earth & Planetary Science/Graduate School of Science/The University of Tokyo

 

 

Quand les feuillets se séparent…

Les argiles ne se présentent pas toujours sous la forme de plaquettes. L’image ci-dessous montre plutôt un réseau de membranes interconnectées (a) et (b), un peu comme un nid d’abeille dont les alvéoles seraient irrégulières. Dans ce cas, l’analogie avec les grains n’a plus de sens. Pourtant, à une échelle inférieure, une structure feuilletée apparaît à nouveau (c). Les feuillets sont souples et peuvent se courber, se dissocier pour se réassembler comme des paquets de feuilles désordonnés, alors que dans une plaquette, ils sont solidement liés les uns aux autres, parallèles et inséparables, formant un cristal rigide.

 

Réseau de menbranes d'argile - amàco
Sur ces images, plus de plaquettes ! L’argile ressemble à un nid d’abeille aux alvéoles irrégulières (a et b) © Courtesy of M. Roe/Macaulay Institute Collection (a) © Courtesy of Lana Loeber & Elisabeth Rosenberg/IFP (b) |  De longs feuillets courbés, de 1 micromètre de longueur pour seulement 1 nanomètre d’épaisseur, apparaissent à plus petite échelle (c) © Courtesy of Christian Clinard & Henri Van Damme

 

 

Des feuillets enroulés

D’autres argiles, beaucoup plus rares, sont fibreuses : elles ressemblent à des cheveux microscopiques (ci-dessous, (a)). Une vue en coupe de ces fibres (b) met à nouveau en évidence une structure feuilletée : les feuillets sont cette fois enroulés sur eux-mêmes comme des rouleaux de papier, pour former des fibres !

 

argile fibreuse - amàco
Argiles fibreuses (a) et vue en coupe (b) mettant en évidence une structure feuilletée : les feuillets sont enroulés sur eux-mêmes © Courtesy of Hervé Gaboriau, Christian Clinard, Charles-Henri Pons & Faïza Bergaya, U.S. Geological Survey (USGS), Reston, Virginia. USA/DR (a) © Alain Baronnet/DR (b)

 

 

Des nanotubes naturels

Certaines argiles enfin se présentent sous la forme de tubes cylindriques (ci-dessous) : le feuillet est soit enroulé, soit fermé sur luimême. Ces argiles ont des propriétés analogues aux nanotubes de carbone et sont utilisées dans de nombreuses applications à très fortes valeurs ajoutées. Elles sont par exemple à la base de peintures qui arrêtent les ondes électromagnétiques des téléphones portables dans les salles de spectacle et de cinéma. La grande diversité des argiles provient ainsi des différences dans l’arrangement des feuillets qui les constituent. La moitié des atomes d’un feuillet se trouvant en surface, les propriétés de la matière ne sont dès lors plus régies par ses caractéristiques internes, mais par ses propriétés de surface.

 

Argiles aux particules sylindriques - amàco
Les particules de cette argile ont une forme de cylindres : ce sont des nanotubes naturels © Courtesy of M. Roe/Macaulay Institute Collection

 

image de couverture : © Hydrasa UMR CNRS 6532