Les argiles gonflent et fissurent

D’un type d’argile à un autre, les feuillets se séparent plus ou moins facilement en fonction des forces qui les lient. Ainsi, certaines argiles sont capables d’absorber énormément d’eau entre leurs feuillets : ce sont des argiles gonflantes. Une pâte préparée avec ces argiles contient plus d’eau que de matière solide : lorsqu’elle sèche et que l’eau s’évapore, la pâte se rétracte et fissure. Voici deux argiles aux comportements totalement opposés : la kaolinite et la smectite.

 

 

L’une gonfle, mais l’autre pas

La smectite, argile des boues de forage et des masques de beauté, est très différente de la kaolinite, argile de la porcelaine et de la pâte à papier. En plaçant la même quantité de chacune de ces deux argiles dans deux bouteilles séparées et remplies d’eau, on remarque ainsi que la kaolinite remplit une petite partie de la bouteille, alors que la smectite occupe presque tout le volume d’eau disponible : la smectite est une argile gonflante.

 

 

Plastique vs. liquide

Deux boues préparées avec ces deux argiles et présentant la même proportion solide/liquide ont des consistances très différentes : pour une quantité d’eau donnée, la boue de kaolinite a la fluidité du lait, tandis que la boue de smectite est plastique.

 

 

 

L’une fissure, mais l’autre pas

La boue de smectite a besoin de beaucoup plus d’eau pour atteindre la plasticité de la kaolinite. En conséquence, une brique moulée à l’état plastique et contenant une certaine proportion d’argile gonflante comme la smectite fissurera au séchage, à l’inverse d’une autre brique contenant la même proportion de kaolinite.

 

Fissuration des argiles kaolinite et smectite - amàco
Les argiles contenues dans les sols se situent entre les deux extrêmes que constituent la kaolinite et la smectite. Leur fissuration est plus ou moins prononcée.

 

Fissuration de boues d'argiles - amàco
Boues d’argile séchées de smectite (à gauche) et de kaolinite (à droite) de consistance initiale équivalente. La smectite est essentiellement constituée d’eau à l’état plastique : elle fissure donc énormément au séchage.

 

La smectite est une argile gonflante qui occupe un volume important au contact de l’eau. La boue ainsi formée est imperméable. L’imperméabilité des argiles gonflantes est utilisé pour étanchéifier les barrages ou certaines toitures terrasses des pays secs. Au contact de l’eau, ces argiles gonflent et bouchent les fissures dans lesquelles elles sont présentes. Au contraire, l’utilisation de ce type d’argiles dans les matériaux de construction peut provoquer des pathologies telles qu’une fissuration importante au séchage ou un gonflement destructeur en présence d’eau liquide.

 

 

Dans cette expérience scientifique, la couche d’argile déposée à la surface de l’eau se décompose en deux partie :
→ La partie basse, en contact de l’eau, gonfle et est étanche. Son gonflement est bloqué sur les côtés par les bords du récipient, des plis se forment.
→ La partie haute, en contact de l’air, reste sèche et ne gonfle pas. Elle épouse la déformation de la boue sur laquelle elle repose mais fissure en haut des plis pour compenser la déformation de son support.

Les variations de longueurs dans un même matériau en fonction de l’humidité est appelé «effet bilame».

 

La séparation des feuillets

Pour comprendre ces différences, il est nécessaire d’observer les argiles à l’échelle microscopique. La kaolinite apparaît sous la forme de plaquettes microscopiques, elles-mêmes constituées de feuillets empilés entre lesquels l’eau ne peut pas pénétrer. Quant à la smectite, elle présente un réseau de membranes interconnectées, tandis qu’à une échelle inférieure apparaît à nouveau une structure en feuillets. C’est entre ces derniers que l’eau peut cette fois pénétrer et faire gonfler le réseau. Une caractéristique qui change radicalement le comportement de ce type d’argile.

 

(à gauche) Les feuillets de kaolinite sont empilés de manière rigide et forment des plaquettes à l’intérieur desquelles l’eau ne peut pas pénétrer : la kaolinite ne gonfle pas.
(à droite) L’eau pénètre à l’inverse entre chaque feuillet de la smectite et fait gonfler le réseau.

 

 

Retrait et fissuration d’une terre argileuse

Des disques ont été moulés dans une pâte de terre contenant de l’eau. Seuls trois d’entre eux ont fissuré. Au séchage l’eau s’évapore et chaque disque subit un retrait : son diamètre diminue. Vu de profil, le bord du disque s’incline au cours du séchage : sa base se rétracte moins que sa face supérieure. En effet, la base étant retenue par le support, elle est moins libre de se déformer que la partie supérieure du disque.

 

 

Cette différence de déformation entre les faces inférieure et supérieure du disque engendre des contraintes dans la matière. Lorsque ces contraintes sont relativement faibles, le disque se rétracte sans fissurer. Mais, au-delà d’un certain seuil, lorsque ces contraintes deviennent trop importantes, des fissures apparaissent pour libérer l’énergie emmagasinée. Plus le disque est grand, plus l’adhésion au support est importantes. En effet, pour une même épaisseur de disques, la surface en contact avec le support est de plus en plus grande à mesure que le diamètre du disque augmente. On dit que le rapport d’aspect augmente. Plus le rapport d’aspect du disque est important, plus il risque de fissurer au séchage.

La fissuration d’un élément de terre dépend de ses dimensions : plus l’élément est gros, plus il a tendance à fissurer au séchage. Ce phénomène doit être pris en considération pour construire en terre crue, notamment lorsqu’on dimensionne un moule à adobe ou un coffrage pour un mur en pisé.