L’eau pour construire

Paradoxalement, des trois états usuels de la matière, c’est celui qui est le plus mal compris. Si la propriété des liquides qui vient immédiatement à l’esprit est de s’écouler, il en existe bien d’autres. Un liquide est aussi capable d’exercer une force attractive entre deux surfaces : c’est l’existence de cette « colle » entre grains qui explique la cohésion du château de sable ou du mur en terre. Découvrons ici les forces capillaires.

 

 

 

La peau de l’eau

Observez attentivement la surface de l’eau en oubliant un instant sa fluidité, et vous remarquerez qu’elle est capable d’adopter des formes géométriques très étonnantes. Comme si l’eau possédait une peau déformable. Songez par exemple à ces aiguilles qui flottent sur l’eau. Tout se passe de fait comme si une membrane élastique tendue en surface, caractérisée par une certaine tension, s’opposait à toute déformation. Cette « tension superficielle », que certains insectes comme les gerris exploitent pour se déplacer sur l’eau, existe dans tous les liquides et est proportionnelle à leur énergie de cohésion : c’est l’expression « externe » de l’intensité des interactions attractives « internes » entre les molécules du liquide.

 

Expérience l'eau pour construire - amàco
Ces aiguilles métalliques flottent à la surface de l’eau : elles semblent posées sur une toile tendue élastique qu’elles ne parviennent pas à traverser. La force qui les retient est la tension superficielle de l’eau, appelée aussi force capillaire.

 

 

 

Minimiser sa surface

L’origine de la force capillaire est la suivante : si les molécules au sein du liquide bénéficient d’interactions attractives avec toutes leurs voisines et sont dans un état que nous qualifierons « d’heureux », celles disposées au contraire à la surface perdent grosso modo la moitié de ces interactions cohésives et s’en trouvent en quelque sorte « malheureuses ». C’est pourquoi l’eau cherche à éviter le contact avec l’air et, pour un volume donné, tente toujours de minimiser sa surface : une goutte de pluie, par exemple, est en réalité une boule parfaite, car la sphère est la surface d’aire minimale à volume donné. Lorsqu’on déforme le liquide de manière à augmenter sa surface, l’énergie nécessaire est proportionnelle au nombre de molécules qu’il faut amener à la surface. Ainsi, la tension superficielle représente l’énergie à fournir pour augmenter la surface d’une unité d’aire. Pour mieux saisir cette interprétation, songez à deux fluides non miscibles, de l’huile et de l’eau colorée typiquement : leur surface de séparation est caractérisée de même par une certaine tension interfaciale. L’interface évoque une toile élastique tendue, et la déformer nécessite un apport d’énergie.

 

 

 

Le mouillage

Intéressons-nous maintenant à une autre propriété de l’eau : elle mouille ! C’est une évidence, pourtant pas aussi systématique qu’on le croit. Certaines surfaces solides dites « hydrophobes » repoussent en effet l’eau à tel point qu’elles restent sèches après avoir été humectées. À l’inverse, une surface qui attire l’eau est
dite hydrophile. Lorsqu’on pose une goutte d’eau sur du verre très propre, elle s’étale complètement : le verre est hydrophile. Le verre aime bien l’eau, et vice versa. De manière générale, l’eau adhère très bien sur les surfaces minérales, telles que le verre et le sable, qui sont hydrophiles.

La tension superficielle décrite au paragraphe précédent ne fait intervenir que deux phases (liquide-gaz ou liquide-liquide). Le « mouillage » de l’eau sur une surface solide implique quant à lui un contact à trois phases (solide-liquide-gaz). Il est donc nécessaire de prendre en compte, outre la tension superficielle liquide-air, une tension interfaciale liquide-solide et une tension interfaciale solide-gaz. Ainsi, la forme qu’adopte une goutte sur une surface solide résulte de la compétition entre ces trois tensions de surface.

 

 

 

Les remontées capillaires

Terminons notre brève exploration des propriétés de l’eau par le phénomène de remontée capillaire : lorsqu’un tube très fin est mis en contact à sa base avec un liquide mouillant le matériau dont il est constitué, il est partiellement envahi par le liquide, qui s’élève jusqu’à une certaine hauteur. Il s’agit certainement d’une des manifestations les plus spectaculaires de la capillarité, à l’origine même de cette science. Le niveau atteint par le liquide dépend du diamètre du tube : plus ce dernier est fin, plus l’eau monte haut. En effet, le verre attire l’eau et lui permet de s’élever dans le tube, mais cette force d’attraction vers le haut est équilibrée par le poids de la colonne d’eau. Plus le tube est large, plus le volume d’eau, donc sa masse, est grand par rapport à la surface en contact avec le tube : la remontée capillaire est donc moins importante dans ce cas.

 

Remontées capillaires dans des tubes en verre : plus le tube est fin, plus l’eau monte haut.