Quand l’électricité s’en mêle
Quand l’électricité s’en mêle
Savez-vous que la terre est électrique ? La preuve : il suffit de plonger deux fils en cuivre reliés à une pile dans une boue de smectite pour que se forme un boudin sur le pôle positif ! Si les particules de smectite s’y agglomèrent, c’est parce que leurs feuillets sont couverts de charges électriques négatives. De telles argiles plongées dans l’eau se repoussent, un peu à la manière de deux aimants dont on essaie de rapprocher les deux pôles négatifs. Ainsi, la smectite gonfle dans l’eau et une pâte préparée avec cette argile fissure énormément.
La même expérience menée avec une boue de kaolinite ne produit pas un résultat aussi spectaculaire : aucun boudin n’apparaît sur les fils car les faces des plaquettes de cette argile sont quasiment neutres et ne sont attirées ni par le pôle positif ni par le pôle négatif de la pile. Dans l’eau, ils ne se repoussent pas et restent solidement liés. De manière générale, toutes les particules d’argile, y compris les kaolinites, portent sur leurs grandes faces des charges électriques négatives : leur proportion est très variable d’un type d’argile à l’autre.
Attention donc si la terre avec laquelle vous construisez contient beaucoup d’argiles gonflantes comme la smectite : elle risque de fissurer massivement ! Leurs pendants, les kaolinites, ne sont cependant pas les argiles idéales : elles fissurent très peu mais sont plus facilement lessivées par la pluie. Leur cohésion est essentiellement due aux ponts capillaires. De ce fait, dès que les pores sont remplis d’eau, il n’y a presque plus de forces pour lier les particules de kaolinite, ce qui explique le lessivage.
Inversement, même quand il n’y a plus d’air, il reste encore des forces de nature électrique pour lier les smectites. Ces différences sont visibles dans deux bouteilles remplies d’eau, dans lesquelles de la kaolinite (dans une bouteille) et de la smectite (dans l’autre) ont été mélangées à du sable. Sous l’eau, le sable et la kaolinite se séparent par simple sédimentation. Inversement, les grains de sable restent piégés au milieu de l’argile gonflante : la smectite a la consistance d’un gel car elle forme un réseau interconnecté de feuillets liés entre eux par des forces de nature électrique.
Paradoxalement, les argiles gonflantes collent donc mieux et résistent davantage au lessivage par l’eau de pluie. Dans nos climats tempérés, l’argile la plus répandue, l’illite, a l’avantage de se présenter sous forme de plaquette (les feuillets sont inséparables) et de porter une forte charge électrique négative : de ce fait, elle gonfle peu et colle bien.
Les argiles fixent certaines molécules sur leur surface, ce qui leur permet par exemple de filtrer une eau polluée. C’est exactement ce qu’il se passe quand un liquide composé d’eau et d’un colorant, le bleu de méthylène, traverse un mélange de sable et d’argile (EXPÉRIENCE 3) : le colorant est filtré et l’eau devient transparente.
Cette propriété « d’adsorption » est directement liée à la charge négative des feuillets d’argile : les ions positifs dissous dans l’eau s’y fixent
très facilement. Mais comment est-il possible que l’argile soit chargée négativement alors que la terre est neutre ? La réponse est simple : les charges
négatives des feuillets sont toujours neutralisées par des ions positifs présents dans l’eau. Dans l’expérience ci-dessous, la molécule « bleue » n’a pas été simplement fixée à la surface des particules argileuses : elle a été échangée avec un ion positif qui était là avant elle. De nombreuses applications industrielles découlent de cette capacité d’échange : ainsi, les masques de beauté à base d’argile fixent les impuretés de la peau et les échangent contre des nutriments contenus dans le matériau.